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Cette page fait partie de l'HyperVerse

Cette histoire a été écrite par LinhSong66

Petite entrée en matière : Comme beaucoup d'entre vous s'en doutent, j'adore les renards. Alors quand on m'a demandé si je voulais faire un super héros, j'ai tout de suite pensé à ça ! J'ai mis un dessin que j'ai fait de mon héroïne. Et s'il vous plaît, ne dîtes pas que les tatouages sous ses yeux sont des cernes (Fitzandkeefe me l'a déjà fait remarqué) ! Ces marques seront expliquées dans l'histoire.

Résumé de L'Hyper-Verse (pour ceux qui n'auraient pas vu) : Iwanata Hideko est une jeune fille vive et dynamique, du moins avant qu'un malheur ne lui tombe dessus. Elle vit en autonomie depuis ses 6 ans, période à laquelle toute sa famille a été décimée par on-ne-sait-quoi. Elle mène une vie de lycéenne normale, en dehors de sa solitude prématurée. Mais un jour où elle se balade seule dans la forêt, un démon renard surgit et lui inflige de graves blessures. La jeune fille est immédiatement hospitalisée après avoir été découverte agonisante par un couple de marchands. Après plusieurs semaines de soin, Hideko est guérie mais se sent comme différente, comme si son propre corps lui devenait inconnu. Un matin elle se réveille et elle se rend alors compte de sa mutation étrange et fuit au loin pour s'isoler des autres. Elle a beau toujours avoir une apparence humaine, sa transformation saute aux yeux. Ses cheveux noirs sont devenus roux, mais d'un roux flamboyant qui n'est pas naturel et ses yeux sombres ont pris une couleur ambrée. De plus, la présence d'oreilles et d'une queue achèvent de la persuader. Maintenant, elle va pouvoir apprivoiser ses pouvoirs et mener l'enquête sur la mort soudaine et macabre de sa famille sous le nom de "Kitsune". Mais l'agresseur responsable de son changement viendra la retrouver...

Prologue[]

Elle courait. Quelqu'un d'observateur aurait pu rectifier que non elle ne courait pas ; elle galopait.

Elle fuyait. Loin, le plus loin possible. À cause de sa transformation, vivre avec les humains était impossible. Ils étaient maintenant des ennemis potentiels qu'il faudrait à tout prix éviter. Il fallait s'y résoudre. Ce n'était plus son peuple mais une race différente de ce qu'elle était devenue. Une aberration, voilà ce qui la définissait le mieux. Ce monde n'était plus le sien, elle n'y avait plus sa place. Sa nouvelle apparence suffisait à le prouver. De loin, on aurait pu croire à un incendie mouvant.

Au fond d'elle-même elle pleurait. Pour son village. Pour cette vie qui était partie en fumée. Une autre commençait, à présent. Hideko n'était plus son nom, cela appartenait au passé. Désormais, elle s'appelait Kitsune.

Humaine ? Elle n'était plus humaine. Plus depuis ce jour. Mutante était son identité.

Chapitre 1[]

La mort ne prévient jamais quand elle frappe. Il n'y a pas d'explication, pas de raison, on ne sait pas pourquoi. Et la plupart du temps, on n'essaye pas de comprendre pourquoi. On se contente de s’asseoir et de plonger dans la contemplation de ce fait qui nous semble irréaliste. On s'embourbe dans le déni.

Dans la tête de cette petite fille qu'était Hideko, les émotions contradictoires se superposent, se mélang

Kitsune recadrée

Iwanata Hideko alias Kitsune

ent, s'emmêlent. Tristesse, désespoir, colère, honte. Oui, la honte également. Elle a honte de ne pas avoir été là quand ça s'est produit. Elle aurait dû être avec eux, voir sa famille se faire tuer avec eux, mourir avec eux. Elle veut mourir. Les rejoindre. Elle a peur. Peur de comprendre qu'ils sont vraiment morts, peur de comprendre qu'elle est seule, maintenant, pour toujours. Alors elle ne dit rien, elle reste juste là, à caresser les longs cheveux de sa mère souillés par le sang.

Quand la police arrive - prévenue par les voisins qui ont entendu du bruit -, elle trouve Hideko, contemplant le tableau macabre, assise et le visage désormais dénué de toute émotion. Ce jour l'a changée, a effacé ses émotions, la laissant vierge comme un livre blanc. Elle a compris. Elle a compris que ça la ferait souffrir d'y penser. Elle a compris le fardeau des larmes et de la fureur. Elle a compris qu'il était mieux de se taire, pour se préserver de la souffrance de cette perte. Elle a compris qu'il valait mieux oublier...

Personne ne l'a aidée. On lui a juste dit : « Désormais tu devras t'occuper de toi toute seule. » Rien d'autre. Pas d'encouragement, de petit mot gentil pour la rassurer. Ils n'ont pas compris ce jour-là que cette fillette de six ans avait été transformée. Changée, à cause de cet accident. Ou peut être grâce ? C'est si agréable de ne plus avoir mal, de ne plus ressentir d'émotions. S'enfermer dans le silence pour ne plus avoir à endurer ce manque, ce vide creusé par l'absence de sa famille.

Cette dureté d'esprit l'a obligée à s'adapter, à travailler pour avoir de l'argent, pour vivre. Sans eux, mais pour vivre quand même. La vue de la mort, si proche, l'a habitée, l'a fait mûrir, grandir prématurément. Lucide, réaliste, mais aussi souffrante de cette réalité qu'est la vie. « La vie est courte mais si belle ! » Cette phrase , les premières années, la hante, la malmène. C'est sa mère qui le lui disait, quand elle racontait son enfance d'esclave à Hideko. Elle lui expliquait que les souffrances laissaient un jour la place au bonheur. Mais Hideko a trop mal. Elle ne veut pas attendre que ce bonheur vienne. Elle le veut tout de suite mais il ne vient pas. Il s'échappe, la nargue quand elle regarde les enfants dans la rue, entourés de leur famille. Alors elle s'efforce de faire disparaître ce souvenir. Oublier, oublier toujours plus, ignorer, absorber la douleur.

Sa mère a tort. La vie est cruelle. Alors elle survit, s'accroche mais sans plus. Elle survit parce que c'est un devoir.

Chapitre 2[]

Depuis cet accident, Hideko a grandi. Les années se sont succédées, accumulées jusqu'à en former dix. Seize ans, déjà. Et pourtant une décennie n'a pas effacé ce qui a changé en elle, ce jour-là. Elle a oublié qu'en dépit de la tristesse, le bonheur existe. Elle a préféré se soustraire aux émotions humaines et cela l'a aidée à se concentrer sur l'essentiel, à ne se préoccuper que des choses importantes, passer au-dessus de ce qui n'en vaut pas la peine. Est-ce vraiment être encore humain que de ne plus avoir d'émotions ? Pendant ces dix ans, la vie a été purement mécanique, elle faisait les choses parce qu'il fallait les faire. Rien n'est plus spontané, tout est mécanique.

Oublier, oublier toujours plus, ignorer, absorber la douleur. A-t-elle tort ? Est-ce lâche d'oublier pour moins souffrir ? Est-ce mal ? La question ne se pose pas. L'essentiel, juste l'essentiel, rien qui ne serve à rien. Oublier, s'oublier, oublier qu'au fond on ne devrait pas. Qu'on ne devrait pas quoi ? Qu'on ne devrait pas oublier...

Elle n'a plus eu d'amis depuis longtemps. Au lycée, personne n'est jamais venu lui parler alors pourquoi le ferait-elle ? L'amitié, c'est inutile. Ça encombre. L'attachement est un poids qui ne mérite pas d'être porté. S'attacher aux gens rend faible. La solitude est de toute façon, tout ce qu'elle a connu. Alors pourquoi essayer de la briser ?

Les autres lycéens ne sont de toute manière pas intéressants. Ils sont pareils. Toujours à se vanter de choses sans intérêts. « Tout à l'heure j'ai embrassé Amano ! » Et alors ? En quoi est-ce important ? Pourquoi tout le monde ne s'occupe-t-il que de choses futiles ? Le monde est différent. Avant, tout rose. Résolument gris, désormais. Les gens se fourvoient, rien n'est important, la vie n'a aucune valeur. Mais tout ceci n'est que le point de vue de Hideko.

Un jour après le lycée, elle est rentrée chez elle, par le bois qui borde les villages aux alentours. Le chemin habituel, la mécanique huilée. Et pourtant tout ne se passe pas comme à l'accoutumée. La forêt est souvent déserte à cette heure. Il n'y avait qu'elle. Mais il est arrivé. De nulle part. Du ciel. D'une brèche. Il est arrivé, et Hideko pourtant, n'était pas inquiète. Comme si elle l'attendait...

Oui, au fond elle l'attendait. Au plus profond d'elle-même, elle savait qu'il viendrait. C'était déjà décidé, prédéterminé depuis le départ. Mais ce n'était pas une apparition bien intentionnée. Un fléau, une malédiction qui rongea Hideko pendant toute son existence. Et cette chose n'était autre qu'un démon. Un démon à l'apparence d'un renard. Au moment où il apparut, des volutes de poussière pourpre s'envolèrent, signifiant qu'il avait été libéré précédemment. Par quoi, par qui ? Qui avait pu faire cette erreur ?

L'immense bête se coucha devant la jeune fille. Un dialogue étrange et peu banal s'installa. Le démon se mit à parler d'une voix grave et dure comme la lave refroidie.

- J'attendais d'être libéré pour te rendre visite, commença-t-il. Iwanata Hideko, tu as besoin de sortir de cette coquille de neutralité, tu crois que les émotions sont négatives pour toi. Mais pour plus tard, tu en auras besoin.

Ses yeux se mirent à briller. Hideko ne bougeait toujours pas. Il reprit :

- Pour ta vengeance tu auras besoin de ces émotions, elles nourriront ta haine et te rendront plus forte. Me comprends-tu ?

Elle leva les yeux vers la bête, avec froideur - et peut être autre chose ?

- Je ne vois pas en quoi cela te profiterait, contra-t-elle. Quels sont tes intérêts dans cette histoire ?

Il ne répondit pas tout de suite. Il se mit à jouer avec une feuille qu'il coupa en deux, en passant sa griffe sur la nervure.

- Tu n'es pas en posture de poser des questions, fit-il remarquer mielleusement. Mais te le cacher est inutile alors soit. L'assassin de ta famille est un personnage avec lequel j'ai... disons quelques désaccords. Sa mort me serait profitable.

Le démon se mit à rire. C'était un rire rêche, dénué de gentillesse et qui pourtant, sonnait vrai aux oreilles de Hideko. Plus vrai que ceux des autres. Elle choisit de le laisser continuer.

- N'est-ce pas un bon compromis ? susurra-t-il. Je te donne ta vengeance et tu tues pour moi ce gêneur. Que vouloir de plus ?

- Ce que tu veux ne m'intéresse pas, fit-elle. Seule compte la vengeance.

Elle ferma les yeux, consciente de ce qui pourrait advenir par la suite à cause de ce choix.

- J'accepte tes conditions, énonça-t-elle finalement. La vie n'est pas faite pour que je sois heureuse. Maintenant, que vas-tu faire pour me délivrer cette puissance dont tu parlais ?

Il la fixa en plissant ses yeux jaunes, reflets de violence et de sagacité à la fois.

- Te donner une partie de mes pouvoirs ne va pas être sans douleur. La souffrance fait partie du marché. Tu as accepté, alors surpasse cette épreuve si tu veux devenir plus forte.

Sur ces mots, il se jeta sur Hideko qui n'eut pas le temps de l'éviter. Les griffes luisantes déchirèrent la peau, de toutes parts, mais en évitant les organes vitaux.

Le travail achevé, la bête se pencha au-dessus de la jeune fille agonisante.

- Pardonne-moi, c'était nécessaire pour que je te transmette mes pouvoirs, lui souffla-t-il à l'oreille. Autrement que par le sang c'est impossible. D'ici un mois tu devrais t'être transformée et alors tu partiras. Pour fuir mais aussi pour me retrouver, en quête de plus de puissance...

Et il se volatilisa, laissant Hideko qui baignait dans son sang, gémissante. C'est là que son histoire commence vraiment...

Chapitre 3[]

Le noir, la profondeur, le  double fond, le sens caché de la vie … La réponse semblait se décortiquer d’elle-même, devant cette jeune fille qui avait tant cherché un but .Son sang d’un nouveau genre lui transmettait une nouvelle force, électrique, brûlante .La douleur physique avait disparu comme surfaite, mais à quel prix ? Elle profitait pour l’instant de cette énergie nouvelle qui l’habitait, oubliant sans le savoir les conséquences qui en  découleraient. Revenons au moment où le temps s’égrène  normalement .Deux amandes de lumière blanche laissèrent place à l’obscurité .Hideko avait ouvert les yeux .Quelqu’un lui parla mais elle ne comprit pas tout de suite .Elle regardait ses mains, plus pâles que d’habitude .Elle pouvait presque voir défiler sous sa peau le vermeil du sang .

- Mademoiselle ! Vous m’entendez ?

L’homme qui avait posé la question lui pressa l’épaule, comme pour appuyer la demande .L’instinct prit le dessus et la main de Hideko fusa, pour refouler ce qui avait semblé être une agression .L’homme hurla et se plia en deux : il avait la main en sang .Affolée, la jeune fille réalisa qu’à la place de ses ongles, des griffes avaient poussé .Elle se leva d’un bond, puis s’enfuit de la salle où des gens commençaient à se presser autour du médecin .Elle sortit à toute allure, avalant les marches et fonçant dans les couloirs encombrés .Son apparente vitesse ne la surprit même pas, elle venait de comprendre l’erreur qu’elle avait faite .Elle arriva chez elle très vite et se mit à sangloter, chose qu’elle n’avait pas faite depuis bien longtemps .La barrière d’émotions qu’elle s’était construite ne parvenait plus à endiguer tout ce qui déferlait dans son cœur .La transformation avait déjà commencé, une semaine tout au plus la séparait du départ .Allongée sur la parquet, elle regarda le chêne, arbre qu’on avait planté à sa naissance .Des tâches colorées se superposaient pendant qu’elle détaillait les branches, sa vue brouillée par les larmes .Un couple d’oiseau faisait son nid, le mâle apportant des brindilles pour consolider la construction .La vie semblait si belle, parfois …Mais elle ne semblait sourire qu’à certaines personnes .Hideko se résolut à remplir le marché, la vie ne lui laissant pas le choix .

La vengeance ne lui rapporterait pas son humanité, même si elle ne l’avait pas encore tout à fait perdue .Mais de toute façon, à quoi donc peut servir l’humanité quand on veut devenir plus fort ? Il faut au contraire l’abandonner, et abandonner tout attachement .La haine doit servir uniquement à alimenter la revanche .Mais les émotions telles que la haine et la tristesse sont un danger pour l’esprit fragile .On est facilement détruit .Hideko en était consciente .Mais y avait-il un autre choix, une autre alternative ? Tuer allait être obligatoire .Tôt ou tard, elle serait acculée à ce choix, et devrait s’en sortir par la violence .Faire couler le sang pour mieux survivre .S’accrocher à la vie jusqu’au dernier fil, jusqu'au dernier moment, jusqu’à obtention du but ultime : la mort de celui qui avait assassiné sa famille .La mort ; la mort pour se défendre, la mort pour survivre, la mort pour se venger … La mort, partout, tout le temps, sans arrêt, perpétuellement .La jeune fille le savait, et acceptait à présent ce qu’elle allait faire, les horreurs qu’elle commettrait .Se salir les mains était nécessaire, un point c’est tout . Elle releva la tête et essuya ses larmes .Quelles que soient les souffrances, il fallait les endurer .Elle ne comptait pas,

elle n’était qu’un instrument .Ses états d’âmes n’avaient aucune importance .

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Kitsune n°2

Hideko alla prendre une paire de ciseaux dans la maison .Elle l'observa longuement, laissant glisser son doigt sur le tranchant d'une des branches .Elle était émerveillée par la beauté de cet outil .Les couteaux sont serviables dans la vie de tous les jours, mais aussi pour se défendre .Au fond, les lames ne valent-t-elles pas mieux que les gens ? On peut comparer un homme à une épée, par exemple .Elle se définissait elle-même comme une lame émoussée par les sentiments humains et nocifs .Il fallait qu'elle s'aiguise, en se servant de la puissance offerte par le démon .

Délicatement, elle entreprit d’écourter sa chevelure .Les mèches noires virevoltèrent jusqu’au sol puis furent emportées par le vent .Passant la main dans ses cheveux désormais courts, elle se fit la promesse d’entreprendre la vengeance puis de partir pour toujours, puisque plus personne n’aurait besoin d’elle après ça .

Chapitre 4[]

Au moment de partir, Hideko n'était pas triste .Elle était plutôt soulagée de quitter cet endroit qui était désormais seul à raconter son passé .Il n'y aurait après plus aucune trace pour prouver qu'elle avait existé .Perdre son identité pour disparaître aux yeux de tous et ne pas être suivie.La perte de cet endroit qui aurait dû lui être cher était un soulagement .

Elle avait laissé passer quelques jours, le temps de ne plus être horrifiée, au moins, par son apparence .La jeune fille ne s'était pas attendue à ressembler à un monstre, ou de la définition qu'elle donnait d'elle-même .Peu attachée à son physique, elle avait tout de même eu du mal à ne pas hurler car elle était devenue ce qu'on appelait communément une mutante .Sa peau était à présent d'une extrême pâleur, ses yeux couleur d'ambre, ses cheveux d'un roux flamboyant ; mais le pire était certainement la queue et les oreilles de renard qui étaient apparues au cours d'une nuit .Quand elle s'était aperçue de la transformation, Hideko avait couru dans toute la maison pour en briser tout ce qui pouvait faire office de glace ou de miroir .Une fois l'hystérie passée, elle avait préparé son départ, pour ne plus risquer de s'attarder dans ce lieu qui pouvait refroidir la hâte de sa vengeance .Et il n'avait pas tardé car Hideko était partie seulement un quart d'heure plus tard .

Mais au moment d'une intersection, après quelques jours de voyages, elle se demanda où elle était .Car jusqu'ici elle avait juste porté son attention sur la rapidité et la discrétion du voyage .Mais un voyage pour aller où ? Le démon n'avait pas laissé d'informations pour ce genre de problème .Quelques gouttes commencèrent à tomber de la mer de nuages, menaçante et pesant sur le paysage .Très vite, ce fut un torrent de pluie qui se déversa du ciel et Hideko se retrouva trempée .Mais au lieu de bouger elle resta là .Elle se maudissait pour sa bêtise : elle avait tout pris, excepté de la nourriture .Y avait-il pire erreur ? Il y avait un village pas loin .Oui mais si les villageois me voient on me donnera la chasse ... Elle tomba à genoux et se prit la tête dans les mains. Rien, elle n’avait réfléchi à rien. Elle était partie comme ça, en coup de vent, sans même prendre la peine de faire des préparatifs ou de se pencher sur le problème. Quelle bêtise ! C’était fini, la confiance qu’elle avait en elle s’était définitivement effilochée ; la panique prenait le dessus, effaçant la raison. Écartelée par les doutes, Hideko n’entendit pas les trois personnes qui venaient par le chemin gauche.

- Ils n’avaient plus de pommes de terre, qu’est-ce qu’on y peut, Akemi ? On se contentera des choux, pas la peine d’en faire un drame. 

- Je sais, mais j’aimerais pouvoir manger autre chose de temps en temps. Même si le village est pauvre je ne peux pas m’empêcher de leur en vouloir quand ils sont en rupture de stock. On fait chaque semaine les seize kilomètres pour venir les voir, c’est vrai… 

- On fera un potager, maman. Il suffit d’y mettre du sien. 

- Tu as raison, j’imagine que râler ne peut être qu’inutile. Bon, dépêchons-nous de rentrer, je commence à… 

La dénommée Akemi venait d’apercevoir la jeune fille roulée en boule, au bord du sentier en terre battue. Elle s’approcha silencieusement puis avec douceur, posa sa main sur le capuchon qui dissimulait aux yeux des autres les oreilles tant détestées.

- Que fais-tu là, ma grande ? Quelque chose ne va pas ?

Hideko leva des yeux horrifiés sur son visage bienveillant. La femme eut un mouvement de recul mais ne partit pas tout de suite.

- Eh bien, quelle est cette petite mine ? Viens donc avec nous, tu as besoin de soins.

Tendrement mais fermement elle la prit par le bras pour l’obliger à les suivre. C’est là que tout se compliqua. La jeune fille poussa un cri et fit un mouvement horizontal de la main, paniquée. Akemi tomba à genoux, le flanc déchiré. Surprise, elle prit conscience du sang qui s’écoulait et les yeux chargés d’incompréhension, murmura :

- Pourquoi ?

Il n’y avait même pas de colère, pas de tristesse ; juste de l’incompréhension. Hideko ne put supporter ce regard, le regard d’une personne qui va mourir sans en comprendre la cause. Elle allait fuir, mais l’homme se plaça devant elle pour l’en empêcher. Dans ses yeux luisait la haine, une haine sombre et grondante qui menaçait de s’abattre. « Est-ce qu’il est en colère parce qu’il aimait sa femme ? Mais… qu’est-ce que c’est, l’amour ? » Elle cligna des yeux, perdue. Non, elle ne se souvenait plus, elle avait oublié. Une larme roula le long de sa joue, brûlante.

- Alors tu regrettes ?! hurla l’homme. Mais c’est trop tard. Moi je ne te pardonnerai pas, et personne ne sera là pour le faire !

Il lui jeta une lance qu’elle évita, mue par l’énergie du désespoir. Alors précipitant sa fin, il se jeta rageusement sur elle mais manquant son coup, s’empala sur sa perche. La jeune fille voulut hurler mais le cri mourut sans avoir franchi ses lèvres. Devant elle se tenait le garçon. Effrayée, elle voulut partir, quitte à y mettre ses dernières forces. Seulement, son corps ne la tenant plus, elle s’évanouit avant d’avoir pu amorcer un geste.

Chapitre 5[]

Pourquoi est-ce qu'on tue ? Pourquoi est-ce qu'on en a seulement la possibilité ? Pourquoi la vie s'arrête comme ça, en une seconde, après toute une existence ? Pourquoi est-ce si facile de la détruire ? Oui, si simple à briser, si simple à réduire à néant, d'un revers de la main. Comme la flamme tremblotante d'une bougie, fragile et vulnérable. Finalement, ne souffle-t-on pas sur la mèche juste par curiosité ? C'est sous notre seule volonté qu'elle ploie, puis s'éteint. Mais un être vivant, ça ne se rallume pas. Alors... pourquoi on tue ?

Hideko ouvrit les yeux, renouant avec la réalité. Le plafond de roche irrégulière au-dessus d’elle offrait un abri naturel, qui servait certainement à beaucoup de voyageurs. Elle tourna doucement la tête, dans un état second. Appuyé contre la paroi lisse de la caverne, se trouvait un jeune homme, de toute évidence endormi. Celui qui était avec le couple. La terre sableuse était d’ailleurs criblée de trous. Lentement, elle se leva et s’accroupit près de la silhouette immobile. L’inspectant avec attention, elle remarqua que ses mains étaient crispées autour d’un objet : son couteau, qu’il avait dû prendre de son sac. Hideko comprit que le garçon avait tenté de la tuer mais n’avait pas pu, pour une raison inconnue.

« Mais j’ai tué ses parents, il devrait m’en vouloir ! » se remémora-t-elle en retenant un sanglot. Elle se sentit d’un coup partir en arrière, et lâcha un grognement de surprise. Ayant profité d’une seconde d’inattention, le jeune homme l’avait plaquée contre le sol poussiéreux. Ses cheveux d’or foncé lui tombaient sur le front et sa pâleur ne faisait que ressortir son expression de fureur intense et ses prunelles auburn.

- Tu voulais en profiter, hein ?! brailla-t-il, hystérique. Mais ça ne marchera pas, c’est moi qui te tuerai !

Il leva la petite dague au-dessus de la tête de la jeune-fille, qui ne bougeait pas.

- Si tu voulais me tuer, pourquoi tu ne l’as pas fait avant ? murmura-t-elle. Tous ces trous c’était bien toi. Alors… pourquoi ? Tu ne d…humph !

Hideko venait de recevoir un coup dans le ventre. Elle allait reprendre la parole mais le garçon la roua de coups, encore et encore. Il ne s’arrêta que quand elle se mit à saigner.

- A cause de toi je n’ai plus rien, haleta-t-il, la tête baissée. Vouloir ta mort est légitime. Mais toi et moi on n’est pas pareils, tu es un monstre.

Les yeux désormais plein de larmes, il attrapa le visage de la jeune fille et l’obligea à le regarder.

- Un être humain ne tuerait pas quelqu’un sans défense. Alors défends-toi, bats-toi ! hurla-t-il la voix entremêlée de sanglots. Bats-toi sinon je ne pourrai jamais les venger…

- Je...

Elle comprit qu’elle avait fait beaucoup de mal à un innocent, qui plus est à quelqu’un de fondamentalement juste. Et pour quelle raison, d’ailleurs ? Cela n’avait même pas aidé sa vengeance, ce n’était rien de plus qu’un meurtre de civils. Elle ressentait un étrange mal-être. Ridicule, non ? Elle s’était pourtant préparée à devoir tuer, et devant le fait accompli elle ne ressentait qu’une horreur indescriptible envers sa personne. Il avait raison, c’était elle le monstre, l’assassin. Le couteau était toujours tendu vers elle mais elle savait maintenant qu’elle ne risquait plus rien. La seule crainte qui l’habitait encore était le jeune homme. Comment se reconstruirait-il avec la mort de ses parents sur les bras ?

« La seule solution est de l’aider, après tout, tout est de ma faute. Si seulement il pouvait me pardonner… » pensa-t-elle avec amertume.

Car c’était maintenant tout ce qui importait à la jeune fille : le pardon. Elle était persuadée qu’elle ne pourrait jamais reprendre la route sans ça. Mais il est tellement plus simple d’être tué plutôt que pardonné, pourrait-il jamais oublier sa rancœur ?

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- Pour la dernière fois, ne me suis plus !

Hideko s’arrêta, doutant de la marche à suivre. Fallait-il vraiment continuer à l’énerver, même pour un objectif louable ? Il n’était pas dans ses habitudes de s’imposer.

- Je veux t’aider, murmura-t-elle prudemment.

Le jeune homme s’arrêta un instant, et la jaugea du regard. Aucun rire moqueur comme on aurait pu s’y attendre : il se contenta de l’observer intensément comme s’il essayait de trouver un sens à tout ce qui la composait. Ce qui ne tarda pas à la gêner.

- Que fais-t…

- Cette plaie sur ton bras, la coupa-t-il brutalement en désignant ladite blessure. Elle est infectée, et de plusieurs jours.

Son ton se fit plus dur.

- Tu ne prends aucun soin de toi et tu prétends vouloir m’aider ?

Déroutée, elle s’attarda quelques secondes sur ce qui semblait être une ecchymose jaunâtre. Jusqu’à présent elle n’y avait même pas pris garde, et avait encore moins fait attention la douleur. C’est pourquoi la remarque du jeune homme lui parut déplacée.

- Ce n’est pas important, je te dis que je veux t’aider, insista-t-elle tout en fronçant les sourcils.  Pour… réparer le mal que j’ai pu te faire, à toi et tes parents.

Elle souffla presque ces derniers mots, qui lui paraissaient soudain déplacés. Son engouement s’en trouva tout refroidi. Même s’il ne releva pas cette petite erreur, quelque chose se modifia dans l’expression de son visage, quelque chose qu’elle ne put déchiffrer.

- Alors ta santé est secondaire ? dit-il finalement avec une pointe de dégoût à peine perceptible.

- Mais…

- Réponds à ma question !

Mu par une rage soudaine et inexplicable, il l’accula à un arbre proche, en exerçant une pression désagréable autour du cou de la jeune fille. Elle ne se débattit pas, muette devant tant d’agressivité. Un temps, elle crut même se voir à travers ses beaux yeux, l’image d’une proie qui vient d’être attrapée par son chasseur. Les rôles s’en trouvaient inversés ; ç’eut été presque amusant s’il n’y avait cette folie qui semblait animer les gestes d’habitude si mesurés du garçon.

- Alors, qu’as-tu à répondre ? susurra-t-il en resserrant l’étau. Pourquoi ne comprends-tu pas que c’est tout ce qu’il y a à faire ?

- Arrête, je t’en supplie ! Tu me fais peur, tu me fais peur…

Il prit tout à coup conscience des larmes qui coulaient, et de la terreur apparente dont il était la cause. Lâchant sa prise, il regarda avec horreur ses mains tandis que Hideko se laissait tomber par terre, suffocante.

- Je… je suis désolé, lâcha-t-il. Ça n’arrivera plus.

- Ce n’est rien, ou plutôt est-ce un juste retour des choses.

Lui jetant un regard noir, il leva sa main, prêt à la gifler. Mais la respiration encore irrégulière de la jeune fille dut le raviser car il n’en fit rien.

- Tu m’énerves tellement, rien ne semble compter pour toi. Mais après ce que je t’ai fait nous sommes quittes, alors oublie ! conclue-t-il un peu amer. Et puis je suis aussi coupable qu’un autre…

Elle hocha timidement la tête ; le silence lui sembla être la bonne réponse.

Il lui tendit alors la main, et dit :

- Viens donc. Toi et moi on va panser nos blessures.

Chapitre 6[]

A partir de cet instant où il lui avait tendu la main, la vie changea du tout au tout. Ils voyageaient au hasard des chemins puis posaient bagage le soir venu, parfois pour plusieurs jours. Jun - c’était son nom – lui fit découvrir les merveilles que recèle la nature, le chant des oiseaux, le bruissement d’une cascade... Il s’arrêtait parfois pour la questionner à propos de tout ce qui les entourait.

- Qu’est-ce que tu vois si je te dis forêt ? demandait-il alors.

Ces interrogatoires mettaient la jeune fille mal à l’aise ; elle ne savait jamais vraiment quoi répondre. Pour elle qui s’était toujours attachée aux apparences premières, le pourquoi de ces questions était étrangement flou.

- Une… forêt, répondait-elle. C’est juste une forêt, qu’y aurait-il de plus ?

- Ne t’arrête pas à sa seule fonction, vois au-delà ! Il faut creuser plus profond si tu veux comprendre. Cette rivière qui descend les rochers fait aussi partie de la forêt. Et ces animaux, ne sont-ils pas importants ? Recommence, allez.

Hideko fermait les yeux à ce moment-là, et s’imaginait une forêt. Puis, l’évidence s’imposant, elle murmurait dans un sourire : « du vert ».

Il souriait à son tour.

- C’est mieux.

Même si c’était parfois compliqué, elle comprenait de nouveau l’importance de forger ses avis à partir de son expérience. Découvrir tout ce qui faisait que sa terre était ainsi, était par là-même indispensable. Au fur et à mesure que ses connaissances s’étoffaient, elle prenait conscience des êtres vivants, d’elle, de l’existence de ce tout uni et pourtant facilement dissociable. Après tant d’années à renier la présence d’autrui, elle eut l’impression de s’éveiller enfin de ce voile de torpeur épais et étouffant.

- Tu as peur de penser par toi-même, peur que ça implique une prise d’opinion à l’encontre des autres, lui avait dit Jun au début de leur voyage.

Devant son mutisme, il lui avait pris la main dans un geste rassurant.

- Ce n’est pas grave, je vais te réapprendre le monde. On le fera ensemble, d’accord ?

Ensemble. En groupe. Tous les deux. Partager sa vie avec quelqu’un d’autre que sa propre personne. Ils se partageaient les tâches :  Jun se chargeait de tout ce qui avait trait au campement et Hideko de la nourriture. Bien que la vengeance lui soit sortie de la tête, ses attributs de renard n’avaient pas disparu et encore moins son instinct bestial, bien qu’elle ait appris à le discipliner. Jun n’avait jamais fait aucune remarque à ce sujet, l’apparence de la jeune fille ne semblait pas le troubler. Avec lui, on se sentait comme complété, essentiel. Telles les deux faces d’une même pièce : dissociable et indissociable. Comme le monde…

Ils ne parlaient jamais de l’incident au bord de la route. Jun se mettait parfois à l’écart, certainement pour pleurer, mais Hideko n’avait pas osé le suivre pour s’en assurer. Elle était consciente que leur entente ne reposait sur rien d’autre que la confiance, et pour cela des limites étaient à poser. Aussi respectait-elle ces moments de deuil où le silence était maître. On lui avait déjà beaucoup donné, en lui accordant une seconde chance. Le démon avait finalement raison : les émotions étaient d’une importance capitale, mais pas pour la raison qu’il avait évoquée. Une fois la porte du cœur ouverte, ignorer la beauté de ces sentiments aurait été sordide.

- Je dirais plutôt stupide, avait rectifié Jun avec un sourire en coin quand elle lui en avait fait part.

Une mèche rousse enroulée autour de son auriculaire, elle avait chuchoté tout doucement comme si elle avait peur qu’on l’entende :

- Tu crois qu’il me cherche ?

-  Pourquoi, tu en as peur ?

- Si tu arrêtais de me répondre par des questions, la vie serait plus simple !

Et la discussion s’était close sur cette remarque qui se voulait amusante. Je ne veux pas croire que parce qu’il y a enfin du bonheur, je doive fuir. Personne n’a le droit de m’en priver. Pas vrai, pas vrai ? Venger sa famille était devenu secondaire à ses yeux, et d’une certaine manière cela la chagrinait. Étaient-ils plus importants que son bonheur ? Et pourquoi devrait-elle choisir ? Ce n’étaient plus que des carcasses sans chair à l’heure actuelle. Dégoûtée par tant de faiblesse, elle s’endormait en repoussant le plus loin possible ces sombres pensées. Jun est bien vivant, lui. Jun est important. Mais tout au fond d’elle-même, Hideko savait la fidélité qui l’animait envers sa défunte famille ;

au-dessus de tout elle se savait redevable. Et une dette ne s’efface pas si facilement de la conscience…

== Musiques ==

Élégie d’Automne, Thème Principal (Composé par HyperSam)[]

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